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« La pair-aidance, une approche bénéfique pour la personne concernée, les usagers et les travailleurs sociaux ! »

Le pair-aidant : un nouvel acteur du travail social ? , s’interroge Alain Bonnami, responsable de formations supérieures à l’IRTS de Montrouge-Neuilly-sur-Marne, qui développe des formations à la pair-aidance. Il revient sur la genèse d’une approche encore peu connue et s’interroge sur les conditions de sa pertinence pour le travail social. Des entretiens avec des pairs-aidants et des professionnels éclairent son propos.

Qu’est-ce que la pair-aidance ?
La pair-aidance est une ressource, une manière d’être en relation, fondée sur l’entraide, le soutien entre des personnes concernées par un même problème, qu’il relève de la maladie mentale ou chronique, du handicap ou de l’exclusion sociale. Les pairs vont mobiliser des ressources dans des groupes d’entraide dont le but est de s’aider à reprendre confiance, à transmettre leur propre expérience de la maladie et des problématiques associées et d’envisager le rétablissement.

Quand cette approche a-t-elle émergé en France ?
Elle a émergé dans les années 70-80, mais de façon marginale et peu objectivée, dans le champ psychiatrique à travers l’approche du « rétablissement ». Ce concept se distingue de la guérison ou de la stabilisation au sens où il vise le processus de longue haleine permettant à la personne d’être active dans son rétablissement et sa maladie. Des hôpitaux comme celui de Ville-Evrard vont ainsi permettre à des patients, appelés « médiateurs en santé pairs », de mobiliser leur expérience et leurs compétences de la maladie pour soutenir d’autres patients qui rencontrent les mêmes difficultés qu’eux. Les professionnels du soin voient dans la pair-aidance une façon de promouvoir le processus de soin en rendant la personne actrice de son rétablissement et en favorisant la pair-émulation entre patients.

Quand la pair-aidance a-t-elle gagné le secteur social ?
Elle s’est développée ensuite dans le secteur du handicap, puis progressivement dans celui de l’inclusion Accueil Hébergement Insertion , grande exclusion. C’est ainsi que la Fondation de l’Armée du Salut, les Enfants du canal ou Emmaüs expérimentent le recrutement de travailleurs pairs dans leurs établissements. Ce sont des personnes engagées dans un parcours d’hébergement, mais suffisamment sorties de la rue pour pouvoir se former à la pair-aidance et être en capacité d’accompagner et de soutenir les publics mais aussi de venir en relai des travailleurs sociaux. Car il ne s’agit nullement de faire des pairs-aidants des personnels à part, voire de seconde zone. L’objectif est de créer des équipes mixtes pairs-aidants/professionnels afin de marier le « savoir expérientiel » des premiers, leur connaissance intime de l’exclusion, de la maladie, des processus de désaffiliation et de la prise en charge, avec le savoir en action et plus académique des seconds.

Pourquoi former les pairs-aidants ?
Leur formation est essentielle parce qu’elle vient faire tiers dans leur parcours en leur permettant de reprendre de la distance, une « juste proximité » avec un vécu souvent difficile et douloureux. Les formations que l’IRTS de Montrouge propose aux associations sont construites dans une approche socio-constructiviste et autour de trois objectifs : aider les personnes à mettre des mots sur leur vécu et à objectiver leurs savoirs expérientiels ; leur permettre de maîtriser l’environnement institutionnel et réglementaire dans lequel elles vont agir ; enfin, leur donner les moyens d’intégrer une équipe en travaillant sur les processus de communication et les postures professionnelles. Car si elles sont souvent à l’aise dans l’accompagnement des publics, elles doivent encore gagner en confiance et en compétence dans leurs rapports avec les travailleurs sociaux.

Quelle leçon tirez-vous de ces formations ?
Au moment où l’on parle beaucoup du pouvoir d’agir et de l’empowerment, la pair-aidance nous éclaire sur les modalités de la participation des usagers en travail social. Par exemple, il arrive que certaines personnes ne puissent plus continuer leur formation. C’est que la pair-aidance n’est pas une fin en soi mais s’inscrit dans un processus de soin et de rétablissement, qui implique d’accepter les rechutes éventuelles. En outre, sa mise en oeuvre suppose un ensemble de conditions de formation, d’accueil des personnes au sein des collectifs de travail et de préparation des travailleurs sociaux, d’ouverture du management à la gestion d’équipes mixtes, etc. En même temps, à l’arrivée, c’est un cercle vertueux qui bénéficie à la personne elle-même, aux publics accueillis et aux travailleurs sociaux, même s’il y a un débat épistémologique et idéologique sur la pair-aidance !

Propos recueillis par Isabelle Sarazin.