Publié le

« L’encadrement joue un rôle prépondérant dans la production des écrits professionnels »

Dans « Accompagner la pratique des écrits en travail social », Bruno Laprie et Brice Miñana, formateurs consultants, invitent les cadres des institutions à s’impliquer dans le soutien des professionnels à la rédaction. Et proposent en ce sens un ensemble de méthodes, de supports et d’outils opérationnels.

Pourquoi les cadres doivent-ils s’investir dans l’accompagnement des professionnels dans leurs pratiques d’écriture ?

Nous avons longtemps travaillé sur la formation aux écrits professionnels et nous nous sommes rendu compte que, bien souvent, les directeurs qui commanditaient ces actions renvoyaient la question de la qualité de la production rédactionnelle aux seules difficultés des travailleurs sociaux. Or en général, le problème ne vient pas des capacités d’écriture des professionnels mais de la clarification de ce dont il faut rendre compte à travers un écrit, voire de la mission elle-même. Il est donc important de donner aux équipes de direction les moyens de définir, de circonscrire les objets des écrits professionnels et de clarifier la commande. L’encadrement joue un rôle prépondérant.

Comment les cadres peuvent-ils accompagner les professionnels dans leurs écrits ?

Ils peuvent agir à trois niveaux. D’abord, ils peuvent engager une réflexion institutionnelle sur la place et le rôle que l’institution accorde aux écrits professionnels. Ces derniers sont-ils considérés comme une pratique professionnelle à part entière, qui requiert du temps et dont les enjeux sont souvent lourds pour les personnes accompagnées ? A-t-on clarifié et identifié l’ensemble des écrits produits au sein de l’institution ?
A un deuxième niveau, ils peuvent identifier les difficultés des professionnels, diagnostiquer les besoins à l’échelle de l’institution afin d’objectiver les problèmes rencontrés. Au troisième niveau, il s’agit de donner quelques repères aux professionnels afin qu’ils sachent comment s’y prendre et évitent certaines maladresses. Sans toutefois formater les pratiques d’écriture dont certaines formes peuvent être tolérées dès lors qu’elles respectent la commande. En ce sens l’élaboration d’outils d’aide à l’écriture peut aider à sortir du débat entre les marottes de l’auteur et celles des cadres. Face aux tensions et aux enjeux de pouvoir autour de l’écrit, il peut être utile de se référer à des indications objectives sur ce qui est attendu !

Faut-il élaborer un référentiel sur les écrits professionnels ?

La première question à se poser est de savoir si l’on en a besoin. Mais vouloir faire un référentiel qui donnerait un cadre de référence éthique, déontologique, organisationnel pour l’ensemble des écrits de l’institution avec des modèles et des trames apparaît difficilement réalisable. D’où l’importance d’élaborer un diagnostic des besoins : où y a-t-il besoin de mettre du cadre ? On peut s’en tenir à l’élaboration d’une charte rédactionnelle qui, rédigée collectivement, va permettre d’aborder les questions de co-construction des écrits avec les usagers et de leur transmission. On peut aussi élaborer un référentiel pour un écrit ou une problématique, qui fixe des règles et propose des plans ou des grilles pour aider à l’écriture. Tout dépend des besoins. Quel que soit le choix retenu, l’important, c’est d’associer les équipes et les usagers à la réflexion sur les écrits professionnels.

Faut-il aussi former les professionnels aux écrits ?

La formation peut être une réponse facile pour un directeur. Elle n’a de sens que si l’on ne se focalise pas sur les problèmes de vocabulaire et de syntaxe mais que l’on aborde le contexte de production de l’écrit et son circuit de validation. Elle doit aussi être l’occasion de réfléchir aux attentes des destinataires des écrits. Comment par exemple les référents de l’ASE voient-ils les écrits des services de protection de l’enfance ? Comment les commissions d’attribution des aides financières des conseils départementaux se saisissent-elles des écrits des professionnels ? On ne peut pas limiter la question de la formation à la venue ponctuelle d’un formateur externe, c’est un ensemble beaucoup plus vaste.

Propos recueillis par Isabelle Sarazin