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« Le projet personnalisé doit révéler la singularité de la personne gravement handicapée »

Dans « Construire le projet personnalisé de la personne gravement handicapée », Michel Belot, infirmier, psychologue, propose un guide très utile aux accompagnants. Refusant de s’en tenir à une procédure généralisable, il invite à envisager le projet comme un cheminement avec la personne dans le respect de ce qu’elle est et ce qu’elle peut.

Pourquoi cet ouvrage ?
L’élaboration du projet personnalisé est une obligation légale pour les établissements. Elle s’avère néanmoins difficile lorsque les personnes sont gravement handicapées et ne peuvent que participer très partiellement à la démarche. Cet ouvrage vise à aider les accompagnants et les familles à construire un projet personnalisé qui révèle la singularité de la personne et envisage avec elle un chemin pour réaliser à son rythme ce qu’elle attend et souhaite.

Vous proposez une trame pour son élaboration…
Le projet personnalisé est une démarche globale qui doit prendre en compte l’ensemble des problématiques : handicaps, présentation psychologique, soins, éducation et apprentissages, vie quotidienne, activités… Il est donc utile d’avoir un plan précis et progressif qui débouche sur des propositions d’accompagnement. L’objectif est d’avoir une photographie détaillée de la personne à travers sa présentation, l’impact du handicap, son rapport aux autres et à l’environnement, ce qu’elle souhaite et ses priorités. Le projet doit aborder aussi le partenariat avec la famille, qui sera associée en fonction de ses demandes, ainsi que les soins et tous les actes de la vie quotidienne. C’est à partir des observations du quotidien que l’on peut déterminer où commence et où finit l’intervention de l’accompagnant, professionnel ou famille.

Vous proposez aussi un lexique…
Le lexique est une série de questions qui suivent la trame et peuvent aider à l’observation de la personne et au recueil de ses attentes et besoins. Pas de réponses à cocher mais des questions ouvertes qui exigent la participation active de l’équipe. Ces questions, dont certaines sont rarement posées, embrassent l’ensemble de la vie de la personne : sa perception, ses façons de bouger, sa compréhension, sa vie affective et sexuelle, sa vie quotidienne. Elles peuvent être adaptées selon les situations et servir de support à la réflexion et à la suggestion d’idées.

Comment faire participer la personne gravement handicapée au projet ?
Le projet personnalisé est vraiment le projet de la personne. On recherchera toujours sa participation active et directe. Et si elle a du mal à communiquer verbalement, ce qui est souvent le cas lorsqu’elle est gravement handicapée, on va valider par l’observation quelles sont ses habitudes, ses préférences, ce qu’elle recherche ou s’efforce d’éviter… Toutefois une observation peut paraître juste un jour et différente le lendemain selon l’état de santé de la personne, sa disponibilité ou la qualité de sa relation avec l’accompagnant. D’où l’importance de la discussion en équipe pour éviter les risques de dérive.

Comment rédiger le projet ?

Le plus simplement possible et sans jargon. Il s’agit d’être rigoureux et précis lorsqu’on décrit la personne, ses qualités, ses capacités… Le projet personnalisé n’est pas une évaluation médicale : écrire que la personne est polyhandicapée, multi-handicapée, qu’elle présente un autisme sévère ou des troubles neurologiques graves n’a aucune valeur si on ne décrit pas comment elle vit au quotidien. Toutefois on ne perçoit la réalité de l’autre qu’à travers soi-même. Le professionnel doit donc analyser ce que la personne lui renvoie, son vécu, ses ressentis, ce que je nomme la résonance intérieure. Le projet personnalisé ne révèle pas la vérité de la personne mais la réalité dans laquelle elle vit selon une équipe et à un moment donné. Il doit d’ailleurs être réactualisé régulièrement suivant le développement de son bénéficiaire.

Vous invitez à un accompagnement créatif…
La créativité de l’accompagnant réside dans sa capacité de soumettre à la personne, à partir d’une observation suffisamment fine et détaillée, des propositions d’accompagnement adaptées. Par exemple faciliter les détails de sa vie, la guider, la solliciter en respectant sa perception, lui permettre d’enrichir son expérience, vécue, favoriser son développement en lui proposant des activité simples et ciblées : toucher les objets de son environnement, qui lui sont inaccessibles – des clés, une bouteille d’eau, un téléphone…-, l’inviter à prendre un bain en lui fixant de petits objectifs : bouger, découvrir son corps… Des propositions souvent élémentaires mais ajustées à ce qu’est, peut et veut la personne.