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« Si on pouvait reproduire partout les initiatives, on pourrait structurer une filière gérontologique »

Dans l’ouvrage « Quel renouveau pour la filière gérontologique ? », Marie-Claire Lacombe, cadre de santé et formatrice, et Ludovic Lavie, consultant, rassemblent les initiatives et expérimentations qui bouleversent aujourd’hui le secteur gérontologique. Leur ambition ? Favoriser le changement pour faire face au « tsunami démographique ».

Pourquoi cet ouvrage ?

Notre objectif est d’aider les professionnels de la filière gérontologique à anticiper les changements indispensables pour faire face au vieillissement massif de la population. Notre ouvrage fait donc le point sur ce qui remue, voire bouleverse une filière qui n’est pas encore structurée comme dans le champ du handicap. Il propose un grand bilan de l’existant en analysant ce qui marche ou ne marche pas afin de voir les points à améliorer. Il veut favoriser le goût d’innover.

Vous insistez sur les « fondamentaux » qui doivent rester au coeur de la prise en charge…

Tous les textes aujourd’hui insistent sur le respect des personnes âgées. Or, quand on intervient en maison de retraite ou à domicile et qu’on doit, tous les jours, faute de temps, sélectionner certains actes au détriment d’autres ou que l’on fait face à des situations complexes sans avoir toujours la formation suffisante, le respect on l’oublie nécessairement. Notre manière de fonctionner aujourd’hui n’est plus respectueuse car on ne prend plus les personnes comme points d’arrivée de nos actes. Des choix s’imposent pour que les personnes âgées puissent vivre jusqu’au bout une vie remplie de sollicitations et de « petits plaisirs ».

Vous voulez sortir de la logique domicile/établissement…
Il est possible en effet de concevoir des parcours plus souples que la seule alternative domicile-établissement et de redonner une utilité aux personnes âgées. Les initiatives ne manquent pas et notre ouvrage vise à les faire connaître. Par exemple, la mutualité d’Auvergne a imaginé de faire travailler le personnel des EHPAD auprès des personnes âgées à domicile à partir d’une évaluation de leurs besoins. On peut multiplier les exemples à l’initiative d’élus, de citoyens, d’associations ou de bailleurs. Si l’on pouvait les reproduire partout, on pourrait structurer une filière gérontologique, c’est-à-dire que toute personne âgée, quel que soit son lieu d’habitation, pourrait avoir une réponse correspondant à ses besoins du moment, que ce soit à domicile ou en établissement.

Vous défendez aussi l’idée d’appliquer la logique de parcours « zéro sans solution »…
La notion de parcours « zéro sans solution » issue du handicap devrait en effet pouvoir s’appliquer aux personnes âgées. Or dans ce secteur, il n’y a pas l’équivalent de la Maison départementale du handicap qui permet d’avoir un acteur unique sur un territoire, qui établit un diagnostic et fait une offre de services en tenant compte des besoins de la personne. Certes, des professionnels posent des diagnostics mais uniquement pour leur service. Du coup, les personnes ne savent pas à qui s’adresser. Et beaucoup de dispositifs, faute de coordination, sont sous-utilisés, comme par exemple l’accueil familial.

Le gouvernement avait lancé fin 2018 une vaste consultation citoyenne afin de préparer une loi « Grand âge » en 2019. Or les choses tardent…
Une loi devait être votée en octobre, puis en janvier et maintenant il faudra sans doute attendre après les élections municipales. C’est la vie politique. Ce qu’il y a toutefois d’encourageant, c’est qu’on est vraiment cette fois-ci, à la suite du rapport Libault issu de la consultation, dans la perspective d’inscrire la dépendance comme un cinquième risque financé par la protection sociale. Cela permettrait de répondre aux enjeux économiques et notamment de faire de la prévention à domicile. Quand je vois l’imagination dont font preuve les professionnels malgré les conditions difficiles, je me dis qu’on peut vraiment compter sur eux. Il faut maintenant une décision politique mais aussi que l’encadrement joue son rôle.

Propos recueillis par Isabelle Sarazin.