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« Le législateur s’est efforcé de sanctionner plus sévèrement les actes de maltraitance sexuelle et d’en faciliter la révélation »

Que prévoit la loi lorsqu’un enfant est victime de maltraitance sexuelle au sein de sa famille ? Dans son ouvrage « Enfants abusés en famille », Marcelle Bongrain, docteur en droit de la famille et fondatrice de la Maison des droits des enfants et des jeunes à Toulouse, fait le point sur la façon dont le droit accompagne et protège le mineur victime.

Comment la loi pénale appréhende-t-elle les maltraitantes sexuelles sur mineurs ?
Ce n’est qu’au milieu du XXème siècle qu’on a pris en compte la parole et la souffrance de l’enfant abusé sexuellement, jusqu’ici ignorées. Aujourd’hui, le code pénal incrimine, pour un majeur, le fait d’avoir des relations sexuelles avec un mineur, soit parce qu’il s’agit d’un enfant, soit parce qu’il s’agit de relations sexuelles non consenties. L’acte le plus grave, le viol qui implique un acte de pénétration, est un crime. Les autres agressions sexuelles (acte impudique, obscène, attouchement) et l’atteinte sexuelle (acte de nature sexuelle commis sans violence, menace, contrainte ou surprise) qui impliquent un contact physique avec le mineur sont des délits. De même, le harcèlement sexuel, qui vise à imposer de façon répétée à un mineur, des propos ou des comportements sexuels.

Face à ces agissements, que faire ?
Chaque citoyen a l’obligation d’alerter les autorités compétentes lorsqu’il est témoin d’une situation de maltraitance sexuelle. Il ne s’agit pas seulement d’assister à une scène, mais aussi de recevoir une confidence. Parler n’est alors pas un acte de délation car l’intention n’est pas de nuire mais de protéger une victime mineure. Le citoyen peut désormais alerter la cellule de recueil de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui existe dans chaque département : 119 Allô Enfance en danger. Il peut garder l’anonymat, il suffit de donner des éléments suffisants d’information. Il peut informer la police, la gendarmerie ou signaler directement au procureur.

Qu’en est-il des travailleurs sociaux soumis au secret professionnel ?
Ils en sont déliés lorsqu’il s’agit de protéger une victime de maltraitance. Toutefois la loi ne les oblige pas à dénoncer, ils sont libres ou non de le faire. Seuls les personnels des services de l’Aide sociale à l’enfance ou de la Protection maternelle et infantile sont dans l’obligation de dénoncer. Les autres professionnels soumis au secret professionnel sont donc confrontés à un choix éthique et se posent de nombreuses questions : quelle est notre responsabilité si nous n’avons pas pris en compte un mail ? Que dire à une adolescente qui se confie mais ne veut pas que son secret soit divulgué ? Si je ne signale pas, ne vais-je pas être condamné pour non-assistance en péril ?

Justement quand y a-t-il non-assistance à personne en péril ?
Le délit de non-assistance à personne en péril est intentionnel. Seul le refus volontaire de porter assistance est punissable. L’infraction n’est donc pas constituée si la personne n’a pas eu conscience du péril ou de la gravité de celui-ci. Il y a alors erreur d’appréciation et non intention volontaire de porter secours. C’est pourquoi les condamnations de travailleurs sociaux pour délit de non-assistance à personne en péril sont rares. Les cours d’appel relèvent, dans ces affaires, plutôt des « négligences ».

Comment protéger l’enfant lors de la procédure pénale ?

Après le dévoilement, l’enfant victime est confronté à une autre épreuve : longueur de l’instruction, audition, confrontations traumatisantes, possible rejet familial… La loi, et c’est une avancée, a prévu la désignation d’un administrateur ad hoc, qui va accompagner l’enfant tout au long de la procédure. Sa mission : lui expliquer son rôle et celui des adultes qu’il va rencontrer, désigner un avocat spécialisé, l’accompagner aux rendez-vous, etc. S’il est chargé de protéger les intérêts du mineur aux lieu et place de ses représentants légaux, il ne remplace pas ses parents. Souvent d’ailleurs, il se présente à eux pour expliquer sa mission

Comment prévenir les abus sexuels sur mineurs ?
Si le législateur s’est efforcé ces dernières années de sanctionner plus sévèrement les actes de maltraitance sexuelle et d’en faciliter la révélation, il faut aussi développer la prévention. Par exemple, le Québec a lancé un programme de prévention auprès des crèches : des vidéos et des livres d’images permettent aux enfants de comprendre qu’ils ne sont pas à la merci des adultes. Et le personnel est formé pour parler de ces questions. En France, des associations développent aussi ce genre d’expériences. Il faudrait multiplier ces initiatives.

Propos recueillis par Isabelle Sarazin.