Publié le

« Les travailleurs sociaux doivent tout faire pour protéger le secret professionnel »

Comprendre le secret professionnel et expliquer aux professionnels ses incidences sur leurs pratiques, tel est le propos de Marie-Odile Grilhot Besnard, assistante sociale de formation et formatrice en institut de formation en travail social, dans son livre « Secret professionnel et travail social : garantir le droit des usagers ». Un ouvrage qui allie théorie et cas pratiques.

Le secret professionnel est-il vraiment utile au travail social ?
Il est essentiel à son exercice. Le législateur l’a institué afin de protéger la vie privée des personnes. Celles-ci doivent pouvoir confier certains secrets aux travailleurs sociaux en ayant la garantie que rien ne sera divulgué ni à l’extérieur de l’institution, ni même en son sein. Car si les professionnels ont des comptes à rendre à leur hiérarchie, c’est sur leur activité professionnelle et non sur la vie privée des usagers. Ils doivent donc être très vigilants sur les informations qu’ils communiquent d’autant que leur responsabilité pénale est engagée (1).

Mais qui sont les professionnels tenus au secret ? On a du mal à y voir clair…
C’est que le cercle des personnels concernés s’élargit. A côté des assistants sociaux astreints au secret par profession, le législateur allonge toujours plus la liste des intervenants sociaux et médico-sociaux qui y sont assujettis par fonction ou par mission. C’est ainsi qu’y figurent les professionnels de l’Aide sociale à l’enfance, mais aussi désormais ceux de l’hébergement et de la réinsertion sociale, intervenant auprès des personnes âgées dépendantes … Si l’objectif est louable puisqu’il vise à protéger toujours plus de personnes, il oblige aussi les professionnels à surveiller de près l’évolution législative pour savoir s’ils sont ou non soumis au secret.

Le secret n’empêche pas toutefois le partenariat…
En effet, afin de garantir le partenariat, différents textes autorisent le partage d’informations à caractère secret, mais uniquement dans l’intérêt des usagers. De plus, c’est une faculté, et non une obligation. Il revient donc aux travailleurs sociaux en fonction de leur évaluation de la situation, de juger de la pertinence ou non d’échanger avec d’autres sur certaines confidences des usagers. Une décision parfois difficile à prendre comme le montrent les témoignages que je rapporte. D’où l’importance pour les professionnels de s’entourer auparavant d’avis de membres de leur équipe.

Dans quels cas la levée du secret est-elle possible ?
Elle est possible en cas de mauvais traitements infligés à un enfant ou à une personne hors d’état de se protéger. Mais, excepté dans le cadre de la protection de l’enfance où c’est une obligation (2), cela reste une faculté. La décision d’informer ou non les autorités administratives et judiciaires est laissée à l’appréciation des professionnels, qui doivent, là encore, privilégier l’intérêt de la personne : se taire ou parler va-t-il lui porter préjudice ?

Mais s’ils se taisent, ne risquent-ils pas d’être accusés de non-assistance à personne en danger ?
Si le travailleur social se tait et que la situation se dégrade, le juge évaluera s’il a fait son possible pour protéger la personne vulnérable. Ce n’est que s’il n’en est pas convaincu qu’il pourra le condamner pour non-assistance à personne en danger. Mais le seul fait de s’être tu ne pourra pas être reproché au professionnel. D’où l’importance pour lui d’avoir un positionnement clair et de pouvoir l’argumenter.

Le secret professionnel est-il menacé ?
La loi du 7 mars 2016 sur le droit des étrangers lui a porté un accroc sans précédent. Le préfet peut désormais demander aux travailleurs sociaux des informations sur les étrangers sans qu’ils puissent opposer le secret professionnel. Cet article, qui s’inscrit dans une logique sécuritaire, ouvre une brèche : après les étrangers, qui, demain, sera visé ? Les travailleurs sociaux doivent tout faire pour protéger le secret professionnel, car sans lui il n’y a plus d’accompagnement possible !

Propos recueillis par Isabelle Sarazin.

(1) La violation du secret professionnel est punie d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros.

(2) Les professionnels de l’Aide sociale à l’enfance doivent transmettre sans délai au président du conseil départemental les informations sur les mineurs qu’ils suivent avec une procédure spécifique pour les « informations préoccupantes » ; ceux intervenant auprès d’enfants placés doivent informer le juge des enfants sur la situation des mineurs.