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« Un livre conçu par une étudiante pour des étudiants »

Célia Carpaye, auteure du « DEES : le guide pratique de l’éducateur spécialisé. Méthodologie et annales corrigées » (6ème édition), elle-même éducatrice spécialisée, explicite la démarche de ce livre destiné aux étudiants.


Comment est né l’ouvrage ?
Il a vu le jour en 2011 à la fin de ma formation d’éducatrice spécialisée, mais son idée a germé pendant que je vivais moi-même l’expérience étudiante. Je débutais la formation seulement deux ans après la réforme des diplômes de 2007, c’était le flou pour tout le monde, les nouveaux attendus pédagogiques n’étaient pas clairs. J’ai alors ressenti le besoin de m’approprier la réforme pour maîtriser ma formation et me suis mise à traduire pour moi-même tous ces attendus à partir des référentiels, textes de loi… Très vite, je me suis aperçue que ce travail de compréhension et de retranscription offrait une réelle traduction pédagogique et qu’il pouvait servir à d’autres étudiants. J’ai alors passé huit mois à écrire la 1re édition du Guide pratique, en même temps que je passais moi-même le diplôme.

Quel est le concept du livre ?
La première idée – que je me suis donc appliquée à moi-même – a été de dire aux étudiants : « Ok il y a des contraintes, des consignes. Plus vous les maîtriserez, plus vous pourrez prendre la liberté de vos propos, vos idées, votre positionnement. » J’ai eu trop souvent l’impression qu’en tant qu’étudiants, nous étions collés aux consignes et aux notes alors que nous avions à construire notre positionnement professionnel. Ainsi, évacuer la contrainte en se l’appropriant est selon moi une bonne manière de se concentrer sur le cœur de la formation : accompagner des personnes en situation de vulnérabilité et/ou d’oppression.

C’est un livre conséquent (400 pages dès la 1re édition !) qui aborde les 4 domaines de compétence du diplôme. Pour chacun d’entre eux, l’étudiant peut trouver une partie explicative/théorique des thématiques, une proposition de méthodologie, et des exemples issus d’épreuves réelles. Pour ce qui concerne les épreuves sur table, je propose des corrigés ; pour les épreuves-dossiers de type Dossier de pratiques professionnelles, Journal d’étude clinique ou mémoire, je m’appuie sur de vrais dossiers et j’explicite toute la démarche de travail, le processus pédagogique engagé par l’étudiant.

Selon vous, quelle est son originalité ?
C’est un ouvrage qui vit avec ses lecteurs, et qui se renouvelle et s’enrichit chaque année. J’anime depuis 2008 le blog Éducateur, ce métier impossible, je suis très présente sur les réseaux sociaux ; toutes les épreuves que j’ai utilisées pour le Guide pratique m’ont été données par des étudiants ou anciens étudiants qui suivent mon travail sur le web.

De quelle façon travaillez-vous avec ces étudiants internautes ?
Par exemple, quand je décortique un travail de mémoire, je sollicite beaucoup l’auteur, je lui pose des questions sur sa méthode, ce qu’il a aimé, ses difficultés. Ça implique de sa part un vrai travail d’introspection car je lui demande d’adopter une posture réflexive sur son travail : par quels procédés a-t-il acquis les compétences en question, etc. ? Je recueille également des témoignages d’étudiants : c’est ce qui me plaît le plus dans ce travail ; ces échanges remettent du sens à l’évaluation et permettent de montrer que la méthodologie est un prétexte. Ce qui est important, c’est tout ce qui vient bouleverser l’individu, ce qui le forme, le déforme… Quand un étudiant parvient à sortir des enjeux évaluatifs pour dire comment il a été transformé par la formation et pour parler de sa propre expérience d’humain, je me dis qu’on a là tout l’essentiel !

Comment expliquez-vous le succès du livre ?
J’ai envie de dire : parce que c’est un livre qui a été conçu par une étudiante pour des étudiants, et qu’il continue à vivre grâce à leurs témoignages, leurs écrits, leurs prises de risques. Je crois beaucoup en la force de l’expérience, dans tous les domaines de la vie. Cet ouvrage en est aujourd’hui un large concentré !

Propos recueillis par Martine Ollivier.