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« Faire vivre l’éthique au quotidien chez les mandataires judiciaires à la protection des majeurs »

La FNAT (fédération nationale des associations tutélaires) publie un guide « Ethique du mandataire judiciaire à la protection des majeurs », qui rend compte de la démarche ambitieuse qu’elle mène depuis trois ans. Retour sur cette aventure avec Anne-Marie David, administratrice de la fédération (1).

Comment est né cet ouvrage collectif ?
Nous sommes partis d’un constat : le besoin des mandataires judiciaires à la protection des majeurs de développer leur réflexion éthique. La tension éthique est en effet au cœur même de leur mission : ils doivent tout à la fois protéger et restreindre les libertés des personnes vulnérables et les accompagner vers l’autonomie. Dans un tel contexte, que signifie mettre la personne au centre du dispositif de protection ? Comment décrypter sa volonté malgré l’altération de ses facultés mentales ? Comment respecter ses choix de vie mais aussi son besoin de protection ? Nous avons donc mené une enquête avec le cabinet Socrates auprès des professionnels de notre réseau afin de connaître les situations problématiques qu’ils rencontraient. Nous avons ensuite élaboré un référentiel éthique définissant les valeurs du métier de mandataire et conçu un programme de formation pour les intervenants. Cet ouvrage vient formaliser ce travail collectif engagé depuis 2014.

Vous avez mis au point une méthode permettant aux mandataires de prendre des décisions justes d’un point de vue éthique. Quelle est-elle ?
A travers ce que nous ont dit les professionnels, nous avons repéré, de façon non exhaustive, quatre situations problématiques : le logement de la personne protégée, la gestion de son argent, sa santé, ses relations avec la famille ou les proches. Pour chacune d’entre elle, nous exposons quelles sont les postures possibles et nous les passons au filtre de l’éthique. Par exemple, une personne sous curatelle refuse d’entretenir son logement social malgré les plaintes du voisinage et le bailleur menace de l’expulser. Dans ce cas précis, comment le mandataire peut-il concilier le respect de la volonté de la personne de rester dans son logement, sa sécurité et celle de son environnement ? Afin de l’aider à prendre sa décision, nous examinons quatre réponses possibles en évaluant à chaque fois leurs effets, ce qui nous permet de proposer une ligne de conduite.

Pas question toutefois de livrer un prêt à penser…
Surtout pas, ni prêt à penser, ni prêt à agir ! D’ailleurs, nous ne proposons qu’un nombre limité de réponses… L’idée, c’est de donner aux professionnels non pas des solutions mais une méthode de raisonnement leur permettant de prendre en compte tous les aspects d’une situation – la volonté de la personne, sa sécurité, celle de son entourage, l’état de la législation, etc – et d’évaluer les conséquences de leurs actes. Ce ne sont pas des situations faciles et il est nécessaire de passer par un tel questionnement avant d’agir. Sauf bien sûr dans les situations d’urgence où l’action doit précéder la réflexion.

Où en êtes-vous dans votre programme de formation ?
Nous proposons des formations de deux jours aux mandataires centrées sur des apports théoriques et des études de cas. Cette année, 700 délégués en ont bénéficié. Notre objectif est que ce questionnement éthique devienne une compétence professionnelle à part entière et un réflexe. Le fait de passer par la formation permet aussi aux services et aux associations d’engager ce processus dans leur gouvernance. Car la démarche n’a de sens que si les institutions l’intègrent dans leur management. Certains services ont commencé d’ailleurs à créer des espaces de réflexion éthique.

Vous vous êtes aussi dotés d’une instance de réflexion au plan national.
Nous avons créé le Groupe national de réflexion éthique de la FNAT (GREF), composé d’une douzaine de personnes – professionnels, médecin, philosophe…- qui va analyser plus spécifiquement certains thèmes et pourra produire des réflexions éthiques (2). Il travaille actuellement sur « la mise en relation » à l’ouverture de la mesure : comment rentre-t-on en contact avec la personne dès lors qu’une mesure de protection est confiée à un service ? Bénéficie-t-elle bien de toutes les garanties éthiques ? Ces travaux doivent aider les services à améliorer leur accompagnement. Notre défi est de faire vivre l’éthique au quotidien dans les pratiques des professionnels et des services !

Propos recueillis par Isabelle Sarazin.
(1) Et directrice générale de l’ATIAM (Association tutélaire des personnes protégées des Alpes méridionales) à Nice.
(2) Un site internet a également été conçu : www.ethique-mjpm.fr