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« La démarche Snoezelen a des effets immédiats sur le comportement et l’humeur des personnes fragilisées »

Dans « Prendre soin par Snoezelen, une autre approche thérapeutique », Pascal Martin, psychologue-psychothérapeute, explique l’intérêt de cette démarche, basée sur la stimulation sensorielle, auprès de publics accueillis en institution. Et, surtout, il propose aux professionnels désireux de s’y engager une méthode et des outils, ainsi que des exemples d’expériences.

Qu’est-ce que la démarche Snoezelen ?
Le mot « Snoezelen » est un néologisme d’origine hollandaise qui résulte de la contraction de deux verbes : « snuffelen » qui introduit la dimension du contact de la personne avec son environnement et « doezelen » qui exprime un état de relaxation. La démarche, qui a vu le jour dans les Pays-Bas en 1970, vise à proposer à des publics fragilisés, dans un lieu apaisé, des stimulations sensorielles afin d’améliorer leur bien-être et faciliter leur communication avec l’environnement. Il s’agit concrètement de mettre à leur disposition une salle de détente et de relaxation où ils peuvent librement, grâce à un aménagement spécifique (matelas d’eau, colonnes à bulles, projecteurs de lumière, instruments de musique, fioles à odeurs, etc.), effectuer des explorations visuelles, auditives, tactiles ou olfactives.

Où est-elle développée aujourd’hui ?
La démarche a reçu un accueil favorable dans les pays anglo-saxons les plus proches de la Hollande comme le Royaume Uni. Elle s’est implantée en France au début des années 1990 où elle s’est développée dans les établissements pour enfants et adultes handicapés, ceux accueillant des personnes âgées, les hôpitaux notamment pour les troubles de l’anorexie ou de la boulimie des adolescents, et même les structures de la petite enfance. Aujourd’hui, des projets Snoezelen existent un peu partout dans le monde et des équipes de recherche s’y intéressent.

Comment se passe l’accompagnement ?
L’accompagnement peut être individuel ou s’effectuer dans le cadre de groupes de trois ou quatre personnes. Pendant les séances (30 à 45 minutes), l’animateur facilite les explorations sensorielles et favorise par son attitude le sentiment de sécurité, le bien-être et la décontraction. Il propose aussi un ou deux ateliers sensoriels aux personnes (par exemple : frotter une feuille de tomate dans ses mains et la respirer, écouter de la musique, goûter des aliments, etc.) Il n’impose rien, il est là pour faciliter les choses, laissant aux personnes le temps d’intégrer et de réagir aux stimuli. L’accompagnement est ici une co-présence. Soignant et soigné vivent les mêmes choses et prennent simplement plaisir à être ensemble, ce qui favorise l’établissement de liens relationnels d’une grande richesse.

En quoi est-ce une démarche thérapeutique ?
J’utilise cette approche depuis une vingtaine d’années auprès d’enfants et d’adultes ayant des troubles du comportement, notamment autistiques, et j’ai pu observer ses effets bénéfiques en termes de relaxation et de prise de plaisir. Lorsqu’elles viennent dans la salle Snoezelen, les personnes, souvent repliées sur elles-mêmes, manifestent d’abord de l’ouverture, de la curiosité. On le voit dans leur regard, le mouvement de leur tête pour regarder tel objet, telle source lumineuse ou prendre tel objet. On constate également de l’émerveillement dans leurs yeux qui pétillent. Et puis la démarche provoque un apaisement : certaines personnes qui ont des comportements violents perdent, dans ce lieu, leur envie de tout casser et semblent sereines. Cette approche a donc des effets immédiats sur le comportement et l’humeur, en particulier si elle est régulièrement menée.

Comment mettre en oeuvre cette démarche en institution ?
Il faut d’abord une volonté commune pour construire le projet et avoir des financements. On peut fabriquer beaucoup de choses soi-même mais certains objets comme le matelas d’eau ou la colonne à bulles doivent être achetés. Il faut en outre que les professionnels, principalement les accompagnants éducatifs et sociaux et certains soignants, soient formés à cette approche et accompagnés dans sa mise en oeuvre auprès de publics souvent angoissés. Enfin, il est indispensable de construire un référentiel d’évaluation afin de mesurer les effets de la démarche et rectifier éventuellement son déroulement.

Propos recueillis par Isabelle Sarazin.